à la plage : fragile et essentiel
Long croissant de sable fin, l’anse du Stole se creuse doucement face à Groix. Déposée par les marées, la laisse de mer y étire à dessein un ruban d’algues, ce long sourire du mariage de la terre et de l’océan. Là, affleurent quelques scènes de la vie ordinaire : à la plage.
La sculpture de Richard Bois est toute de courbes et de sensualité. La souplesse d’une hanche, la courbure d’une épaule, l’enlacé d’un bras, l’arrondi d’une fesse, l’étirement d’un dos, donnent au grain fin du sable, la douceur d’un grain de peau.
La sculpture en appelle alors à la caresse. Caresses du regard, de ces corps allongés au repos d’un sommeil, d’une lecture, d’un abandon amoureux, ou encore, tendus de ces différents qui érigent conflits et solitudes. Le dessin des corps, des entrelacs aux séparations, est à la fois plein, généreux, voluptueux et infiniment fragile. Des bonheurs simples aux désespérances à fleur de peau, des abandons sereins aux dos tournés, le plein de la ronde bosse parfois se fissure.
La faille est sous-jacente. Elle sous-tend la forme, lui intime présence et puissance. Les petites saynètes de plage de l’artiste, en apparence anodines parce que faites de nos petits riens, touchent à notre réalité profonde : notre fragilité. Celle qui nous fait aller à l’autre, être ému par l’autre et être touché par la part d’inconnu qu’il révèle en nous-même.
La lectrice a posé son livre à côté d’elle et s’est assoupie. Les enfants poursuivent leur lutte existentielle autour d’un ballon. Les amoureux se donnent, lorsque d’autres de détournent un instant. Le vent et la pluie creusent les pleins et les failles de la sculpture comme la vie nous façonne. A la plage et n’être que grain de sable roulés par les océans, envolés par les vents, fondus par les pluies.
Tout est fragile ici, tout aussi essentiel.
Sophie Lecomte